VO2Max : on en fait quoi sur le terrain ?

S’intéresser à VO2Max, c’est finalement avoir une réflexion sur la manière d’aborder les facteurs de performance en endurance. Spoil : personne n’a la solution parfaite !

En préambule, je remercie Sean de me donner la possibilité de m’exprimer sur le sujet. Son article est une petite pépite qui reprend tout ce que vous devez savoir sur le sujet : je ne vais ni en faire un résumé, ni une interprétation : ce serait moins bien ! Je vais me contenter d’y apporter mon regard, et mon interprétation de VO2Max.

Je vais en décevoir certains : on ne peut pas améliorer son potentiel de VO2Max dans l’absolu… ou en tout cas très peu ! En effet, il est largement conditionné par la génétique, et comme bien souvent, on ne part pas avec les mêmes chances au départ. Pour (s’)entraîner, il faut faire des constats objectifs, et cela en est un : même s’il ne fait pas plaisir il est implacable !

On devra donc se contenter se s’entraîner pour se rapprocher de notre potentiel maximum, et si on parvient à l’atteindre, trouver d’autres solutions pour continuer à progresser. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle, car VO2Max est certes un facteur de performance, mais pas le seul. En fait, c’est le même raisonnement pour la plupart des compétences que l’on souhaite développer à l’entraînement.

Ce n’est pas un concours

Le premier conseil que je peux vous donner, c’est de vous méfier des valeurs brutes, car elles diffèrent d’un appareil et d’un protocole à l’autre (y compris les modalités de test). On a en effet souvent remarqué que pour un groupe d’athlètes, le lieu où il était réalisé « majorait » ou « minorait » le fameux VO2Max. Je mets des guillemets, car ce n’est finalement pas important.

Comme le souligne Sean, le fondeur Bjorn Daehlie avait par exemple été « flashé » à 96 ml.kg.min : peut-être qu’ailleurs, il n’aurait obtenu « que 90 », et ce n’est finalement pas si important : on se doute bien qu’il n’a pas une « caisse de poulpe anémié » comme on dit dans le jargon. Donc l’idée n’est pas de courir après le meilleur score possible, mais, si l’on veut s’en servir, de réaliser un suivi de manière longitudinal, avec des modalités de test qui correspondent à la discipline spécifique.

La Vo2max ne fait pas tout, ce n'est qu'une partie de l'histoire
La Vo2max ne fait pas tout, ce n’est qu’une partie de l’histoire

Je suis un peu cash, mais on se doute bien que quelqu’un qui à une VO2Max potentielle de 65 ml.kg.min ne fera probablement pas de miracles dans le sport de haut-niveau (en tout cas dans les disciplines d’endurance orientées sur la relance de puissance comme le ski de fond). Mais cela ne l’empêchera pas d’atteindre un bon niveau, ni de progresser et de prendre du plaisir : nous ne sommes pas tous faits pour tutoyer les sommets, moi y compris !

Méfiez-vous également (comme souvent) des estimations de votre montre : si vous vous entraînez dans un système pyramidal (ou polarisé), elle peut parfois vous donner des valeurs qui vous feront passer pour votre grand-mère de 90 ans. L’essentiel n’est pas le score à la montre, ou au test, mais ce qui se passe le jour J.

Quelques exemples d’utilisation

Pour ceux qui me connaissent, je donne parfois l’impression d’être réfractaire à tout forme de testing et de données. Par exemple, je ne connais ni VO2Max, encore moins vitesse critique, et très peu les seuils lactiques ou encore la VMA de sportifs amateurs que j’accompagne. En 2023 j’ai même lancé 8 personnes, y compris moi, sur leur premier marathon (le truc où on est sensés tout calibrer si j’ai bien suivi) sans connaître tout cela, ni même le pace exact : cela n’a pas empêché certains de se rapprocher des 2h30, d’autres de le courir en moins de 3h00 et d’autres de le terminer en moins de 4h00, ce qui était l’objectif. En l’écrivant, je me rends compte que je ne peux pas vous donner tort…

Mais je ne suis pas ici pour vous dire que j’ai raison, ni vous expliquer mon système d’entraînement (ceux que ça intéresse peuvent la découvrir dans mon livre, mes podcasts ou mon instagram). D’ailleurs, je n’ai pas particulièrement raison : d’autres obtiennent aussi sensiblement les mêmes résultats en utilisant ce que je n’utilise pas. Bref.

Non, je suis ici pour vous parler de VO2Max à la demande de mon ami Sean, et vous apporter ma vision et mon expérience sur le sujet.

Lorsque je m’occupais de la préparation physique des athlètes de l’équipe de France de combiné nordique, leurs valeurs oscillaient entre 69 et 76 ml.kg.min. Cela ne nous donnait pas beaucoup d’informations sur la performance, plutôt sur le potentiel. Si ceux qui avaient les valeurs les plus hautes étaient (étrangement) les plus rapides dans les faits, parmi ceux qui étaient autour d’une valeur médiane (70 à 72), on retrouvait des écarts de 1 minute en moyenne sur une course de ski de fond de 10kms (25 minutes environ), ce qui est énorme.

Un test de VO2max peut révéler le potentiel du sportif.
Un test de VO2max peut révéler le potentiel du sportif.

C’est là que les valeurs de VO2Max sont parfois intéressantes : si on part du constat que certains expriment très bien leur potentiel (qui est similaire sur ce facteur de performance), et d’autres un peu moins, on peut mettre en place des stratégies adéquates. Dans notre cas, plutôt que de se battre tel Don Quichotte pour « gagner » un point de VO2, elles ont consisté à essayer d’orienter l’entraînement tantôt sur les compétences à maintenir un assez haut pourcentage de VO2Max pendant longtemps, tantôt sur celles à se rapprocher de VO2Max le plus longtemps possible en cumulé dans la séance, selon le profil de chacun.

C’est là que les stratégies de haute intensité et de renforcement entrent en compte, et illustrent le fait qu’il n’y a pas de séances « idéales » et efficientes pour tout le monde, du moins dans une recherche d’optimisation, lorsque l’on doit corriger un facteur limitant.

Un testing calibré pour… une solution freestyle

Avec l’équipe de France junior, nous avions un athlète qui faisait partie de cette « médiane VO2 » : une valeur de VO2 correcte (72 ml.kg.min), mais qui était moins performant que les autres. Le facteur limitant était pour lui les jambes qui brûlaient assez rapidement, sans que l’on ne comprenne d’où cela venait. Puisque l’on était coincés, il nous fallait investiguer plus, et en collaboration avec Sean qui nous a été d’une aide précieuse, nous avions procédés à une batterie de tests : spirométrie, VO2Master, Moxy Monitor, associé à notre protocole de tests de seuils lactiques.

Je vois passerai le détail des résultats, mais la conclusion était que sa fréquence respiratoire était trop élevée, et ce quelque-soit l’intensité : en gros sa puissance était plutôt bonne, mais sa fréquence trop élevée ne lui permettait pas de l’exprimer pleinement, ce qui conduisait à une mauvaise alimentation des muscles en oxygène, pour vous la faire simple (tu m’étonnes que les jambes brûlent).

La solution que nous avions mis en place avec le staff, en accord avec l’athlète, n’a pas été de proposer des séances ultra calibrées (ce qui est cocasse à la suite d’une batterie de test pointus), mais plutôt de lui demander sur certaines séances d’aller chercher l’hyperventilation (sans consigne d’allure ou de FC), et quand il y parvenait, de ralentir rapidement, et de recommencer, tout en mettant de côté les séances de haute-intensité habituelles. Le but était simple : qu’il se familiarise avec cette sensation et qu’il apprenne à y faire face.

Cela a fonctionné, mais je nuancerai le propos : comme à chaque fois qu’on fait un choix, on laisse de côté d’autres paramètres, que nous avons dû ajuster par la suite. Dire que c’est principalement grâce à cela qu’il s’est sélectionner aux Jeux Olympiques de Pékin 7 mois plus tard serait d’ailleurs faux et d’une grande mauvaise foi : cela a tété un élément parmi d’autres, et surtout que l’athlète s’est approprié (dire que la performance émane du coach serait d’ailleurs tout aussi faux et de mauvaise foi, certains l’oublient parfois, mais c’est un autre débat).

Pourquoi je vous partage ce retour de terrain ? Eh bien parce qu’il illustre très bien le fait que le VO2Max peut parfois être un indicateur utile, mais qu’il ne se suffit pas à lui-même : il nous indique ce sur quoi on peut agir (s’il avait eu 60 de VO2Max, on aurait commencé par essayer de voir s’il était proche de son potentiel maximum, et si c’était le cas… on n’aurait malheureusement pas eu grand-chose à faire dans son cas).

Connaître VO2Max est donc utile, pas toujours indispensable : tout dépend ce que l’on cherche, et de si l’athlète a atteint ses limites ou non : dans ce cas, si les autres leviers que l’on a activés ne fonctionnent pas, il peut devenir un outil précieux.

Optimiser son utilisation de VO2Max

En conclusion, je pense que vouloir augmenter VO2Max n’est pas une fin en soi (et on ne peut d’ailleurs pas, je le rappelle, vraiment agir dessus). D’ailleurs, plus les durées d’effort s’allongent (et moins l’intensité métabolique est élevée), moins ce facteur aura d’incidence sur la performance (les hauts scores de VO2Max de certains ultra-traileurs sont à mon avis plus un marqueur de leur capacité génétique qu’un facteur direct de performance). Sauf si peut-être (et encore) vous jouez la gagne de l’UTMB et que vous voulez mettre une « mine » au col de Montets après 18h00 d’effort. On ne va pas se mentir, on n’en est pas là pour la plupart d’entre nous.

Par contre essayer de faire au mieux avec ce que l’on a est une excellente stratégie pour progresser.

Et là, on dispose d’un paquet d’outils pour y arriver : stratégies de haute intensité, organisation de l’entraînement, voire de renforcement musculaire… le tout supporté par une large part de basse intensité, mais écrivant au pays de la zone 2, je ne reviendrai pas dessus !

Si vous voulez vous rapprocher de VO2Max à l’entraînement, les classiques séances de VMA/PMA courtes type « 30-30 » sont très efficaces sauf que… c’est un non-sens (pour moi) d’envisager l’entraînement principalement sous ce prisme? Surtout qu’un entraînement régulier de ce type va nous permettre de nous rapprocher rapidement (en quelques semaines) de notre potentiel de VO2Max, sans forcément nous permettre de nous exprimer pleinement. C’est pour cela que la plupart des protocoles de très haute intensité présentés dans les études fonctionnent pour augmenter ce facteur… Est-ce que cela permet de « courir plus longtemps vite », le jour J, ou des gains durables ? Rien n’est moins sûr…

 Avec le recul, et les années, je me rends compte que l’enjeu 95% des gens n’est finalement pas tant de se rapprocher de ce potentiel maximum, mais plutôt de parvenir à être le plus efficient possible à des intensités sous-maximales. Et là, les solutions sont très larges, et je vais être franc avec vous, elles fonctionnent toutes ! Si elles sont amenées intelligemment (en respectant les principes de bases de l’entraînement, notamment de progressivité et de continuité) et intégrées à une stratégie cohérente : tempo, seuil, calibrées ou en fartlek, à l’allure ou à la fréquence cardiaque, en utilisant vitesse critique ou VMA, à la sensation ou via les seuils lactiques… le possibilités sont infinies, les modalités ne sont que des outils qui doivent répondre à vos préférences et à ce qui vous aide le mieux.

En complément, si vous réalisez des séances sollicitant des hauts pourcentages de VO2Max (répétitions de sprint, VMA, résistance…), ce sera le petit plus qui peut parfois faire la différence… si tout le reste a bien été fait. Chez les sportifs de haut-niveau, notamment dans des disciplines qui sollicitent fortement la relance de puissance, c’est toutefois un autre débat.

Tempo ou répétitions de sprints, basse ou haute intensité… toutes ces séances vont finalement avoir pour conséquences de nous permettre d’optimiser l’utilisation de nos capacités maximales, qui sont plafonnées. Mais elles ont toutes un point commun : celui de nous apprendre à bien utiliser nos ressources, énergétiques comme structurelles, ou encore mentales : l’impact sur VO2Max n’est que la conséquence, qui viendra naturellement, pas le but.

Merci pour votre attention, et au plaisir d’échanger en commentaires.

Nico

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