L’agilité est un terme qui est difficile à définir. Pour certains, l’agilité dans le contexte du rugby fait tout de suite penser aux échelles d’agilité, alors que pour d’autre, l’agilité est synonyme de courses navettes et autres exercices de course.
En vérité, l’agilité est une qualité complexe qui repose sur plusieurs facettes du profil athlétique, notamment les facettes perceptives, cognitives, et moteur.
L’agilité, c’est quoi?
Un athlète avec un niveau d’agilité élevé aura plus de réussite dans le choix, le timing et l’exécution d’un mouvement donné (e.g. débordement, changement de direction) comparé à un athlète qui possède un niveau d’agilité plus bas.
L’agilité dépend donc lourdement du contexte et de l’environnement dans lequel l’athlète se trouve.
Afin de pouvoir exprimer son agilité de manière idéale, l’athlète doit:
- Percevoir l’environnement dans lequel il se trouve le plus fidèlement possible afin de connaître les options qui s’offrent à lui
- Utiliser ses capacités cognitives pour choisir quelle option lui donnera les plus grandes chances d’accomplir son objectif avec succès (e.g. passer la ligne d’avantage, éviter un plaquage, etc…)
- Connaître et maîtriser un vaste spectre de mouvements afin de toujours avoir la meilleure option disponible dans son répertoire d’action
- Posséder les qualités physiques requises afin de pouvoir exprimer chaque mouvement avec le plus de force possible et de manière sûre
On voit donc que l’agilité est un processus cyclique complexe plutôt qu’une simple qualité physique.
Pour un joueur en situation de match, les 3 étapes présentées ci-dessus doivent se succéder en permanence puisque chaque instant de jeu présente une situation unique à laquelle il doit s’adapter.
Maintenant que l’on comprend un peu mieux ce qu’est l’agilité, essayons de déterminer la meilleure façon de l’entraîner.
Types de mouvements de course
Avec une plus grand base de mouvement, l’athlète est mieux équipé pour répondre aux tâches d’agilité qui lui sont présentées.
Il est donc important de connaître et d’entraîner tous les types de mouvements qui composent le jeu de rugby.
Il est possible de les catégoriser ainsi:
Pas chassé: pousser sur l’intérieur du pied pour créer un déplacement latéral du centre de masse (pieds pointés dans la même direction)
Cut: pousser sur l’intérieur du pied pour créer un déplacement latéral du centre de masse (CM a l’intérieur de la base de support)
Crossover: pousser sur l’extérieur du pied pour créer un déplacement latéral du centre de masse (CM à l’extérieur de la base de support)
Accélération linéaire: pousser principalement au travers de l’avant du pied avec un angle de tibia positif pour créer un déplacement horizontal du centre de masse et une augmentation de la vitesse linéaire
Décélération linéaire: pousser principalement au travers de l’avant du pied avec un angle de tibia négatif pour réduire la vitesse linéaire
Courir à reculons: mécaniquement similaire à la décélération linéaire mais partant avec une vélocité nulle et avec comme objectif de déplacer le centre de masse vers l’arrière
Se relever du sol: élévation du centre de masse pour regagner une position athlétique ou une accélération linéaire
Mais tous ces types de mouvement n’ont pas la même importance.
Mouvements clés pour l’agilité au rugby
Quelques uns de ces mouvements seront plus enclins à offrir un avantage décisif sur le terrain si le joueur est capable de les exécuter de manière efficace et sûre. Mais si l’athlète n’est pas prêt pour ces actions, il aura également plus de risques de se blesser en les utilisant.
Ces mouvements « clés » sont la vitesse linéaire (accélération et vitesse de pointe), ainsi que les cut/crossover (changements de direction). Il est donc important de dédier une plus grande partie de la préparation à ces mouvements la.
Pour en apprendre d’avantage sur l’importance et l’application pratique du travail de sprint pour le rugbyman, merci de vous référer à cet article.
Phases de développement d’un mouvement d’agilité
Focalisons-nous à présent sur le cut. Le crossover et les autres types de mouvements peuvent être développés en suivant la même logique que nous allons utiliser ci-dessous pour le cut.
Phase 1: compétences techniques fondamentales du mouvement
Avant de pouvoir l’exécuter avec succès en situation de jeu (avec des demandes physiques et émotionnelles intenses), l’athlète doit tout d’abord maîtriser tous les éléments techniques du cut dans un environnement simple et fermé.
Un environnement fermé fait omission des stimuli extérieurs afin de se concentrer sur le mouvement lui-même.
Pour ce faire, on utilise des exercices qui reflètent les demandes du mouvement tout en gardant, dans un premier temps, une vitesse réduite (voir nulle), un niveau de complexité limité, et des charges moindres.
Le but est de maintenir les positions clés comme illustrées ci dessous:
Les premiers exercices se focalisent uniquement sur l’aspect technique du cut afin de maîtriser la position qui permettra la meilleur execution du mouvement.
On passe ensuite à des exercices qui peuvent être exécutés de manière cyclique afin de « cimenter » les positions de base du mouvement travaillé en ajoutant l’élément de fatigue. Les exercices de la phase 1 doivent être progressés jusqu’à atteindre une exécution parfaite avec une intensité maximale (toujours dans un environnement fermé).
Cette première phase donne à l’athlète la base physique et le contrôle moteur nécessaires pour l’exécution optimale et sûre du mouvement.
Une fois ces compétences fondamentales maîtrisées, il est temps d’ouvrir peu à peu l’environnement et d’introduire des stimuli extérieurs afin de passer à l’application pratique du mouvement.
Phase 2: application pratique du mouvement technique
Il est important de ne pas surcharger l’athlète à ce stade de son développement. Bien qu’il détienne déjà les compétences physiques et moteur nécessaire à l’exécution du mouvement dans un environnement fermé, la nature réactive de cette phase ajoute une charge supplémentaire sur le corps et les articulations. Il est donc nécessaire de ne pas brûler les étapes et de respecter le processus d’adaptation.
Dans cette phase, l’athlète est amené à exprimer les mêmes comportements moteurs qu’en phase une, mais cette fois-ci déclenchés par un stimuli non spécifique (sifflet, signal visuel, action miroir d’un partenaire). Il est toutefois important de limiter dans un premier temps les options disponibles à l’athlète, simplifiant ainsi son processus de décision.
Phase 3: expression du mouvement en situation de jeu
Le but de cette phase est de progresser l’athlète vers des situations qui ressemblent plus à la réalité du jeu, tout en utilisant comme fondation les deux phases précédentes.
A ce stade du développement, il n’est pas nécessairement de gagner chaque échange, mais plutôt d’apprendre et de découvrir des possibilités.
La complexité des exercices peut être augmentée en donnant plus d’options à l’athlète, en mélangeant les stimuli ou encore en ajoutant des éléments tels qu’un ballon en main, une réception de balle avant l’action, une course en courbe avant l’action, ou en mettant deux actions l’une après l’autre.
Notons que l’action à exécuter est toujours prédéfinie.
Les 3 phases de développement que nous venons de parcourir peuvent s’appliquent à chaque type de mouvement qui composent le jeu de rugby.
Phase 4: situation de jeu avec choix du mouvement
Contrairement à la phase 1, 2 et 3 où l’action à exécuter était prédéfinie, il est maintenant important de donner à l’athlète l’opportunité de sélectionner lui même l’action adéquate lors de chaque passage. Ainsi, il peut développer son sense de la prise de décision en situation de jeu.
Encore une fois, on peut moduler la complexité de chaque exercice en ajoutant (ou en retirant) certains paramètres.
L’utilisation d’ateliers avec effectifs réduit permet un retour d’information direct entre le coach et les joueurs afin de définir si une meilleur option était disponible à l’athlète dans la situation présentée.
Phase 5: jeu ouvert
Le joueur est maintenant capable de correctement sélectionner et exécuter chaque mouvement qui composent le jeu de rugby de manière sûre et efficace en situations de jeu. Pour continuer à faire progresser les compétences d’agilité à ce stade du développement, l’utilisation de feedback video est indispensable. Elle permet une analyse de la performance qui est impossible à effectuer en état de fatigue durant le match.
L’analyse de la performance de match permet de définir les priorités d’entrainement pour les semaines à venir.
Il est aussi nécessaire d’assurer le conditionnement optimal du joueur afin de lui permettre de répéter ces efforts de haute intensité sans risquer de se blesser.