Le travail de vitesse et d’accélération est un des piliers de la préparation physique pour tout rugbyman. Et contrairement aux croyances populaires, la vitesse ne se travaille pas en faisant des sprints de 100 mètres à répétition.
Dans cet article, nous allons essayer de mieux comprendre l’importance du travail de vitesse pour la préparation physique au rugby et comment l’intégrer aux entraînements de façon efficace.
Le sprint: don génétique, qualité physique ou compétence technique?
Si on observe les sprinters de haut niveau, on pourrait aisément croire que la capacité à courir vite repose uniquement sur des traits physiques immuables comme la composition des fibres musculaires, la rigidité des tendons ou encore les points d’insertion des muscles.

La réalité est un peu moins simpliste.
Il est vrai que sans ces caractéristiques physiques, un athlète ne pourra jamais se mesurer aux hommes/femmes les plus rapides de la planète. Mais cela ne veut pas dire que le travail de vitesse doit être abandonné car le rugbyman n’a très certainement pas encore atteint les vitesses de course dont il est vraiment capable.
Le travail technique de vitesse est accessible à tous, même aux individus sans don génétique pour la vitesse et sans qualités physiques visibles. Et avec une progression bien organisée, le travail de vitesse et d’accélération peut permettre de faire la différence sur le terrain dans les moments décisifs.
Le rugby: sprint + …
Pensons maintenant aux éléments physiques qui composent les actions décisives au rugby.
Dans la grande majorité des cas, ces actions sont faites d’un sprint associé à un autre mouvement.
Sprint + une passe,
Sprint + un changement de direction,
Sprint + un plaquage,
Sprint + un coup de pied à suivre,
Sprint + …
Le sprint est un des éléments fondamentaux du rugby, que ce soit pour un première ligne ou un trois quarts.

De plus, il y a plusieurs bonnes raisons d’inclure du travail de vitesse dans la préparation physique.
Explorons les points principaux.
Réduction des risques de blessures
Cet avantage n’est pas évident, mais il est néanmoins incontestable.
Une blessure sans contact survient lorsque la capacité des tissus à absorber de la force/tension est excédée par la force/tension imposée par l’environnement. Par exemple, si un ischio jambier n’est régulièrement exposé qu’à des vitesses de course de 8 m/s, il est bien probable que si une situation de match requiert que l’athlète court à 9 m/s, l’ischio jambier en question ne pourra pas répondre à la demande. C’est alors que surviendra la blessure.
En incluant du travail de vitesse dans la préparation physique, on expose le corps à ces vitesses maximales de manière graduelle et contrôlée afin de permettre une adaptation des tissus musculaires, tendineux et ligamentaires et ainsi réduire les risques de blessures.
Augmentation de la réserve de vitesse
Le concept de réserve de vitesse fonctionne de la manière suivante:
Assumons que la vitesse maximale d’un joueur est de 28 km/h et que la vitesse moyenne de jeu est de 18 km/h. Ce joueur a donc une réserve de vitesse de 10 km/h. On peut également noter que la vitesse de jeu représente environ 65% de la vitesse max du joueur.
Si on augmente la vitesse de pointe de ce joueur grâce à du travail de sprint, disons jusqu’à 32 km/h, sa réserve de vitesse monte alors à 14 km/h. Par extension, un effort de 18 km/h ne représente plus que 55% de sa vitesse maximale. Ce joueur a gagné en efficacité rien qu’en travaillant sur sa vitesse de pointe.

On constate ainsi que le travail de vitesse entraîne une amélioration de toutes les qualités de course, aussi lentes soient-elles, tout comme une marée montante fait monter tous les bateaux en même temps, peu importe leur taille.
Maintenant que nous en savons un peu plus sur les bénéfices du sprint pour le joueur de rugby, voyons comment inclure ce travail dans la préparation physique.
La hiérarchie de l’entraînement de rugby
Avant d’aller dans les détails de l’application pratique du sprint, il est nécessaire de clarifier une chose:
Malgré ma passion pour tous les aspects de la préparation physique, je crois que l’entraînement technique et tactique de rugby devra toujours prendre l’ascendant sur le travail physique pur.
En effet, avec un niveau technique et tactique similaires à ceux de l’équipe adverse, une équipe plus physique aura toujours l’avantage. Mais même avec un avantage physique, cette même équipe ne pourra rien contre une équipe aux compétences techniques plus élevées.
Si on pousse ce raisonnement plus loin, on constate que l’aspect tactique prend le dessus sur l’aspect technique, et enfin, l’aspect mental/psychologique réside au sommet de la hiérarchie de l’entraînement de rugby.

C’est pour cette raison qu’il faut trouver des moyens d’inclure les éléments de préparation physique de manière efficace afin de dédier le plus de temps possible aux éléments les plus importants de l’entraînement de rugby.
Micro-dosage: une option idéale
Si vous lisez les ouvrages dédiés au sprint, vous verrez très vite qu’il est impossible de dédier autant de temps à faire des sprints avec une équipe de rugby que les auteurs le voudrait.
Si en plus vous évoluez dans une ligue amateur, il est absolument inconcevable de dédier ne serait-ce qu’une heure complète au sprint quand le temps d’entraînement total (travail de rugby inclut) ne représente que 4 heures par semaine.
C’est pourquoi la stratégie du micro-dosage est idéale dans ces conditions.
Au lieu de dédier de grandes portions de l’entraînement au sprint, on peut simplement inclure des exercices de technique de course dans l’échauffement de groupe et terminer l’échauffement par 2-3 répétitions de sprint avec un repos adéquat. De cette façon, toute l’équipe est exposée à cet élément indispensable sans pour autant négliger les autres aspects de l’entraînement.
Une approche technique
Comme nous venons de le voir, les exercices techniques de course sont facilement intégrés dans un échauffement de groupe.
Par exemple, cette séquence d’exercices qui travaille les qualités élastiques et améliore la coordination peut être inclue après l’échauffement général:
A la suite de cela, on peut ajouter une séries d’exercices de posture d’accélération. Cela permet au joueur de comprendre, de ressentir et d’intégrer les positions qu’il devra retrouver lors de ses courses.
On peut voir que les exercices sont toujours organisés de la manière suivante:

Le but est toujours de maîtriser les compétences techniques de base dans un environnement simple/contrôlé puis de progressivement les intégrer dans des environnements de plus en plus exigeants.
Dans cette série, les qualités à maintenir sont les suivantes:
- Posture forte et droite, corps penché légèrement en avant, avec abdominaux et fessiers serrés
- Jambe arrière tendue, poussant le sol derrière soi
- Cheville rigide, avec l’appui principal derrière le gros orteil
- Orteils avants tirés vers le haut
En pratiquant ces exercices plusieurs fois par semaine lors de l’échauffement, on engraine les habitudes nécessaires à une course forte et rapide, sans pour autant sacrifier le temps d’entraînement de rugby.
Une progression logique
Lorsque l’on travaille avec des joueurs qui ne sont pas familiers avec le travail de sprint, il peut être difficile de réguler l’intensité des efforts demandés. De plus, ils ne sont pas encore prêt à faire face aux demandes d’un 40m lancé.
C’est pourquoi il est important de commencer avec des variantes de course qui sont un peu moins exigeantes pour le corps, notamment sur les ischios et les hanches, et de réduire les distances de course pour contrôler la vitesse maximale.
Sprint en pente
La première étape va ainsi consister des sprints en pente avec départ arrêté sur 10m et 20m. Au fil des semaines, ces distances peuvent être étendues à 30m et 40m.
Le sprint en pente promeut un angle d’attaque plus agressif par rapport au sol, qualité qui est parfois difficile à développer en courant sur du plat. De plus, l’inclinaison demande moins d’extension des hanches et réduit les tensions placées sur les ischios, de façon à commencer le travail de sprint sans risquer des blessures évitables.
Pour ces raisons, l’intensité des sprints en pente avec départ arrêté est relativement basse (par rapport à des courses lancées par exemple). On utilisera donc les temps de repos suivants:
10m => 1:00 de repos
20m => 1:30 de repos
30m => 2:00 de repos
40m => 2:30 de repos
Le nombre de répétitions totales par session variera grandement en fonction du temps à disposition et de la suite (si un entraînement de rugby doit prendre place juste après, par exemple).
Session de sprint incliné isolée (sans entrainement de rugby):
8x 10m/1:00
8x 20m/1:30
8x 30m/2:00
Session de sprint avant l’entraînement de rugby:
5x 10m/1:00
3x 20m/1:30
Une alternative au sprint incliné serait des courses avec une luge.
Temps de repos
Le temps de repos entre les courses est un paramètre extrêmement important mais souvent négligé, tout comme pour les entraînements visant à augmenter la VO2max.
Avec un repos incomplet, on accumule de la fatigue, ce qui réduit la capacité d’effort maximal sur la répétition suivante. Sans effort maximal, pas de progrès en vitesse.
Le tableau ci-dessous illustre parfaitement ce concept: dans la colonne de gauche, l’athlète prend des pauses d’une minute entre ses sprint de 40 yards (44 mètres). Dans la colonne de droite, le même athlète étend son temps de repos à 5 minutes. Notez la différence significative entres les intensités d’efforts atteintes.

Merci à Derek Hansen de m’avoir permis de partager ces données.
Visitez RunningMechanics.com pour plus d’information.
Sprint plat
Une fois que l’athlète démontre une capacité à maintenir une bonne forme de course sur 40m en pente avec départ arrêté, il est temps de passer à l’étape suivante.
La prochaine étape est le sprint plat avec départ arrêté.
Comme pour l’étape précédente, il vaut mieux commencer avec des distances courtes (10m) et progresser graduellement jusqu’à 40m.
Ainsi, il est aussi possible d’intégrer différentes variations de départ pour renforcer certaines qualités et positons.
Voici quelques exemples:
Départ tombant:
Depart en pompe:
Départ avec lancé de balle:
Puisque l’intensité d’un sprint plat est plus élevée que celle d’un sprint en pente, il est nécessaire d’ajuster le temps de repos de la manière suivante:
2 minutes de repos par répétition de 10m sprinté, plus 1 minute de repos supplémentaire pour chaque 10m additionnel sprinté.
10m => 2:00 de repos
20m => 3:00 de repos
30m => 4:00 de repos
40m => 5:00 de repos
Une autre progression pourrait être:
5m => 1:00 de repos
15m => 2:30 de repos
25m => 3:30 de repos
35m => 4:30 de repos
Ces temps de repos peuvent sembler longs, mais rappelons nous que 2-3 répétitions de haute qualité seront toujours plus bénéfiques que 10 répétitions sous fatigue.
Pour éviter de « perdre » du temps, il est possible d’intégrer des exercices de skill simple avec un ballon durant ces périodes de repos.
Une session peut être composée de 4 à 10 répétitions totales, en fonction de la distance courue (par exemple: 10x10m ou 4x40m).
Sprint lancé
Une fois que les sprints de 40m sont acquis, on peut passer aux sprints lancés.
Dans un premier temps, le but sera d’accélérer graduellement jusqu’à notre vitesse de pointe, puis de relâcher l’effort. De là, on passe à une accélération graduelle suivi d’un maintien de l’effort maximal de course pour 5m, puis 10m, puis 15m, puis 20m. Le temps de repos entre les répétitions devrait être de 4-5 minutes minimum.
Une session peut être composée de 3 à 6 répétitions totales.
Sprint avec repos court
Une fois que la technique de course est maîtrisée sur ces différentes variations on peut maintenant intégrer du sprint avec des temps de repos plus courts afin de se rapprocher le plus possible des conditions que l’on peut trouver en match.
Une session de sprint plat peut alors progressivement passer de 4x40m avec 5 minutes de repos à 6x40m avec 2:30 de repos.
Sprint en situation de jeu
Le but ultime étant de pouvoir exprimer sa vitesse dans un match de rugby ouvert, il est important d’intégrer du travail de sprint en situation de jeu.
Cela peut prendre la forme de répétitions de sprint avec ballon mais peut très bien apparaître en forme de directive générale: “après réception de la passe, faire un sprint lancé de 10m”. C’est à ce moment-là que la préparation physique se confond avec le travail technique et tactique de rugby au point qu’il est difficile de clairement dire si l’on travaille l’un ou l’autre.
C’est pourquoi il est impératif que le staff de coaching, tant technique que physique, ait une vision de jeu commune afin de pouvoir faire progresser de manière homogène et cohérente les différentes qualités nécessaire à un rugby de haut niveau.
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